« Mangeons la capucine ! »
Les élèves de première de Conduite de Productions Horticoles (CPH) ont élaboré un projet d’envergure grâce à l’encadrement et à la coordination de leurs professeurs Bruno Ayon, enseignant en Sciences Économiques et Sociales et Philippe Labatut, enseignant en Agroéquipement. Il s’agit de la mise en place d’une culture de capucines dans la serre pédagogique de l’établissement. L’objectif était de la faire figurer au menu de la cantine.
Des fleurs dans un plat ? Si cela paraît déroutant au départ, un tel projet permet de penser la transversalité entre la serre, lieu d’exploitation de l’établissement agricole, et la cantine, lieu de vie et d’alimentation.
L’objectif de départ, dans le cadre du référentiel « projet-école-entreprise » de la formation CPH, était de trouver une production à conduire de manière exhaustive pour ensuite la mettre en vente. Il fallait miser sur une culture innovante qui fonctionne bien toute l’année et qui ne monopolise pas la serre. Au total, 15 séances auront été consacrées à cette culture avec les classes, un véritable travail sur la durée.
Pour l’élaboration d’un tel projet, il a fallu penser de manière collégiale, envisager les opportunités et les conditions de conduite de cette culture. Les enseignants et les élèves ont d’abord procédé à un «brainstorming », une mise en commun des idées pour ne retenir que les plus pertinentes. Ils ont ensuite opéré un calendrier de culture afin de vérifier la faisabilité sur une échelle de temps, en anticipant les dates imposées comme leur période de leur stage et la commande du chef de restauration Patrice Combe. Un itinéraire technique a ensuite été construit avec les élèves de 1ère CPH. La date de cueillette estimée des fleurs a été respectée, preuve que l’organisation était au rendez-vous.
Concrètement, les plantations se sont faites début février malgré les conditions hivernales et le milieu urbain de l’établissement qui n’étaient pas favorables au développement de tels végétaux qui nécessitent un « climat ensoleillé et humide » précisent les élèves. Cette contrainte a été prise en compte, les apprenants ont arrosé de manière régulière les plantes qui ont pu fleurir durant la période idéale, au cœur du printemps, à la rentrée des vacances d’avril. La serre de l’établissement aura été un véritable atout pour cette culture grâce à la régulation des températures et la concentration de chaleur qu’elle permet.
L’enseignant Bruno Ayon explique que la capucine était une plante particulièrement adaptée à ce projet car elle permet d’être une culture piège pour certains prédateurs, par exemple les pucerons. Cette technique peut être utilisée dans certaines exploitations comme substitut aux produits phytosanitaires. Les élèves ont ainsi pu s’exercer aux responsabilités qui seront les leurs dans le cadre de leur future profession en horticulture : prendre en compte les conditions environnementales et les contraintes d’une culture, s’adapter en milieu donné et sur un espace-temps limité. L’expérience a permis de toucher à plusieurs domaines : l’ornement végétal ou encore le maraîchage. On remplit ainsi plusieurs fonctions du référentiel grâce à cette pratique. Elle vient également enseigner aux élèves les notions d’entretien et de durabilité des végétaux : les déchets issus de la culture après sa démolition ne partent pas à la déchetterie mais seront réutilisés comme compost.
Le chef de la cantine avait commandé une quantité conséquente de capucines et a élaboré les plats suivants : des salades, ainsi qu’un plat « signature » : un cabillaud au pesto agrémenté de la fleur. Les plats ont été goûtés en avant-première par l’inspectrice d’horticulture Mme Bonnier et les élèves. Au niveau gustatif, tout se mange : de la tige aux feuilles et pétales. Le goût est inattendu : les pétales ont un goût neutre, tandis que la tige a un goût sucré, puis acide voire piquant à la fin. Plus la fleur vieillit, plus le goût est fort. Le côté sucré rappelle les fruits exotiques comme le litchi. Il s’agit donc, affirme le chef, d’un produit intéressant à travailler pour son amertume et son côté épicé qui se retrouvent concentrés en un seul élément (la feuille). Il peut s’associer avec de nombreux condiments dont le radis noir et l’ail, d’où l’idée d’un sauce au pesto…
Patrice Combe s’enchante de cette collaboration entre les cuisines et la filière d’apprentissage agricole, car elle permet d’utiliser des produits de l’exploitation de l’établissement, on vise le local à son maximum. Du côté des élèves, ils se réjouissent de manger quelque chose produit par leurs propres mains. Le bénéfice est mutuel. D’un point de vue global, une telle action s’inscrit dans un comportement durable et écoresponsable, car il s’agit d’une production à « circuit court », confirme Lucas, élève de première CPH et très investi dans le projet. En effet, le trajet de la serre à la cantine ne nécessite que quelques pas… De plus, la production est faite bio, à la main, la terre est issue d’un compost qui a été amené, avec l’achat de graines et l’utilisation d’une eau provenant de l’établissement.
De fait, cette culture-atelier conduite par les élèves et leur enseignant leur aura apporté une expérience gustative inédite (car manger des fleurs est peu commun), et une autosatisfaction de voir un tel projet aboutir et fonctionner, particulièrement quand ces apprenants l’ont mené de leurs propres mains.