Les jeunes diplômés des lycées agricoles béninois arrivent-ils à s’installer facilement à la sortie de leurs études ? Comment sont-ils accompagnés ? Comment améliorer ces dispositifs d’appui ? A travers le parcours de 3 anciens diplômés du lycée technique agricole (LTA) Kpataba – Savalou et de rencontres institutionnelles avec les acteurs du territoire au Bénin, une étude de faisabilité a été menée par un lycée partenaire français – le Lycée Professionnel Agricole de Castelnau-le-Lez, avec l’appui du Réseau FAR, pour faciliter l’accès à l’installation des jeunes diplômés agricoles au Bénin. Serge Misericordia, enseignant au lycée agricole de Castelnau-le-Lez, revient pour nous sur cette démarche partenariale.
Dans le cadre du partenariat entre le Lycée Professionnel Agricole de Castelnau-le-Lez (34) et le Lycée Technique Agro-Pastoral de Kpataba-Savalou (Bénin), une délégation du lycée français constituée de 6 apprenants et deux enseignants accompagnés par un bénévole de l’association AGIRabcd34 s’est rendu à Savalou du 24 octobre au 12 novembre 2021. Les objectifs de cette mission étaient d’équiper un atelier de transformation et de le mettre en service avec la fabrication de jus de fruits, lait de soja et concentré de tomates mais aussi de réaliser une étude de faisabilité d’un dispositif d’aide à l’installation des jeunes diplômés du LTA Kpataba – Savalou.
Rencontre avec les anciens élèves du LTA Kpataba – Savalou
Nous nous sommes appuyés sur l’exemple de trois anciens lycéens du LTA (dont deux faisaient partie de la délégation reçue à Castelnau-le-Lez en 2019) qui ont pu démarrer une activité en bénéficiant chacun d’un accompagnement différent.
Bijoric a ainsi bénéficié de l’aide de l’ONG GRADEL pour la rédaction du projet, d’aides financières de la famille et d’amis pour l’autofinancement.
Pour bénéficier de cet accompagnement, Emilienne a du aussi montrer sa maîtrise de son activité et la viabilité de son projet. Plusieurs visites (audits) du réseau SENS à son atelier ont été nécessaire pour être sélectionnée dans ce dispositif. Aujourd’hui Emilienne possède un atelier de transformation et une boutique à Bohicon.
La qualité de son travail a été reconnue et lui a permis de décrocher un gros contrat comme prestataire en aménagement forestier dans le cadre du projet « Forêt Durable » lancé par le gouvernement. Un contrat de 5 ans avec comme objectif l’aménagement de 5 ha de forêt par an (préparation du sol, préparation des plants, plantation et entretien de la zone.
Rencontre avec les acteurs institutionnels
Avec la Direction Départementale de l’Enseignement Technique et Professionnel (Zou – Collines)
En présence de M. Pamphile VIAYINON, Directeur Départemental de l’Enseignement Technique et Professionnel, M. Jean Didier BAHINI , proviseur du LTA Kpataba-Savalou, M. Jacques PLAN de l’association AGIR abcd, M. Rodolphe AKOUEHOU de l’ONG GRADEL Mme Anne DOUZALS et M. Serge MISERICORDIA du LPA Castelnau-le-Lez (ainsi que les 6 élèves français)
Après les salutations et présentations protocolaires, la conversation s’oriente vers la formation et l’insertion des lycéens du LTA Savalou. MM et BAHINI nous réitèrent leur intérêt pour un développement de l’aide à l’insertion des jeunes diplômés qui constitue pour eux une priorité.
Au cours de leur dernière année de formation, les lycéens effectuent un stage et doivent présenter un projet professionnel d’installation. Même si les projets sont de bonne qualité, argumentés et budgetisés de façon cohérente, les jeunes titulaires du DEAT se retrouve une fois leur diplôme obtenu livrés à eux -mêmes avec un projet mais sans les moyens ou les réseaux pour le développer.
La future réforme de l’enseignement technique agricole devrait en partie répondre aux besoins de professionnalisation par une formation par apprentissage plus axée sur les métiers.
La réforme prévoit aussi un volet territorial très marqué avec la création de Pôles de Développement Agricole (PDA) avec des filières « prioritaires » sur chaque territoire. Pour le département des Collines, la filière locomotive sera celle de l’anacardier.
Nous nous accordons sur le fait que la pérennisation du partenariat entre le LPA de Castelnau-le-Lez et le LTA de Kpataba-Savalou aura pour moteur (à côté des aspects d’échange interculturel) l’insertion des jeunes diplômés. L’action présente et le rapport de mission constitueront une base de réflexion sur la mise en place d’un dispositif d’aide à l’installation.
Avec la commune de Savalou
M. Délidji HOUINDO Maire de la commune de Savalou nous a aussi reçu en présence de M. BAHINI. Il nous a fait part de son intérêt pour un développement de l’aide à l’installation de jeunes diplômés du LTA. Il accompagne déjà le LTA Kpataba-Savalou pour la recherche de terrains afin d’agrandir l’exploitation et se conformer à la future réforme des lycées techniques agricoles du Bénin.
Il est convaincu que le développement économique de son territoire passera par l’ agriculture, de la production à la transformation et une commercialisation des produits sur le territoire même. Pour prendre part à ce développement, il envisage de mettre à disposition du foncier pour des jeunes ayant un projet d’installation viable.
Avec des structures d’accompagnement
Reçus dans les locaux de l’Espace Volontariat à Cotonou, nous avons pu nous entretenir avec M. Eugène SOME et Mme Sylvie DAGBA responsables de France Volontaire Bénin. Les LPA de Riscle et de Castelnau-le-Lez sont engagés dans l’accueil de volontaires béninois dans le cadre du service civique pour cette année scolaire 2021-2022 (2 volontaires par établissement). Nous avons donc d’abord échangé sur les conditions de cet accueil.
Nous avons aussi été informés de la possibilité pour les volontaires de bénéficier d’une aide à l’installation à leur retour au pays. En effet, les volontaires en service civiques sont éligibles dans le cadre de la procédure d’aide à la réinsertion dans leur pays d’origine de l’Office Français de l’Imigration de l’Intégration (OFII).
Au cours de la mission nous avons pu rencontrer Mme Kémi FAKAMBI, directrice générale de SENS Bénin dans les locaux de DASSA-ZOUME. Nous l’avions déjà rencontrée en visioconférence lors d’une table ronde organisée par l’association AGIRabcd à Castelnau-le-Lez dans le cadre du sommet Afrique – France de Montpellier fin septembre 2021.
Le groupe SENS est un groupement de 3 sociétés coopératives (SENS France, SENS Bénin et Investi’SENS) qui développent une économie sociale et solidaire. Il propose 3 offres d’accompagnement aux jeunes désirant se lancer dans l’entreprenariat :
- appui-conseil aux entrepreneurs
- formation au métier d’entrepreneur
- appui financier Investi’Sens
Les formations proposées peuvent déboucher sur 2 métiers reconnus dans le réseau B’EST :
- Métier d’ESSOR (entrepreneur solidaire de services aux ruraux)
- Métier d’AT (Agent de terrain)
SENS Bénin a aussi créé le réseau B’EST, réseau d’entrepreneurs qui permet de coopérer, mutualiser les expériences, les opportunités et les moyens au service des territoires ruraux.
Développer des parcours d’insertion pour faciliter l’accès à l’installation
On peut ainsi imaginer différents parcours d’insertion :
Pendant la formation au LTA, SENS-BÉNIN peut proposer sa formation à l’entreprenariat agricole dans le cadre de la CFC (Cellule de Formation Continue). Le stage de fin de cycle peut s’effectuer chez des entrepreneurs du réseau B’EST. Il en résultera une montée en compétences professionnelles plus adaptées aux projets d’installation (gestion, communication, recherche de débouchés)
Les projets professionnels devant être présentés par les candidats au DEAT seront d’autant plus étayés notamment sur les parties gestion et faisabilité économique et serviront de base à la rédaction de dossiers type PADAC.
Après l’obtention du DEAT, plusieurs parcours sont possibles :
- Les jeunes poursuivant en études supérieures (FSA, UNA …) pourront postuler pour le volontariat en service civique en France (notamment dans les lycées agricoles du réseau Afrique de l’Ouest) et bénéficier de la procédure d’aide à la réinsertion au retour au pays de l’OFII. Cela peut constituer un apport pour l’autofinancement d’une activité et ouvrir l’accés au dispositif PADAC.pour les jeunes bénéficiant de quelques moyens et/ou terrains familiaux un démarrage d’activité même à très petite échelle peut donner accès à des aides par le PADAC ou un accompagnement par SENS Bénin.
- pour les jeunes n’ayant aucun moyen pour démarrer une activité, une sélection de quelques projets professionnels rédigés en classe de terminale par une commission ad hoc pourra être mise en place. Les projets sélectionnés pourront bénéficier de fonds d’amorçage pour démarrer l’activité. A minima la parité de genre sera privilégiée. La recherche de financement sera pilotée par l’Association des élèves du LPA Castelnau-le-Lez (ALESA) avec l’appui de l’association des anciens élèves du LPA. Le LTA Kpataba-Savalou pourra apporter une contribution par les produits de son exploitation (pour laquelle les élèves sont une main d’oeuvre gratuite) et de l’atelier de transformation dont la modernisation obtenue grâce au partenariat augmentera les volumes de production et générera des fonds disponibles.
Pour tous ces parcours un point de vigilance sera mis pour la promotion des jeunes lycéennes et leur accès au dispositif (la parité a minima devra être respectée).
En savoir plus sur le projet DOUDEDJI
Un documentaire vidéo de 17 minutes « DOUDEDJI, on va réussir » pour relater ce séjour et trois capsules vidéo didactiques sur les fabrications de jus de mangue, jus d’ananas et lait de soja effectuées par les jeunes français et béninois ont été réalisés. D’autres capsules sont en projet.
Retrouver toutes ces vidéos sur la chaine youtube « Castelnau – Savalou »
Serge MISERICORDIA
Enseignant au Lycée Professionnel Agricole de Castelnau-le-Lez
serge.misericordia@educagri.fr